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C'était un froid et humide jour de novembre, et une foule de centaines de personnes était rassemblée à l'extérieur de la petite chapelle de Pré-Au-Lard. Des haut-parleurs retransmettaient l'éloge funéraire qui avait lieu à l'intérieur, non que cela serve à grand chose, ne couvrant guère le bruit des hommes, femmes et enfants en pleurs comme s'ils pleuraient un membre de leur famille décédé jeune et tragiquement.

Harry Potter n'était mort ni jeune, ni, surprenamment, tragiquement. Il était mort inopinément dans son sommeil une semaine plus tôt, et le pays tout entier subissait encore la perte de son héros national. Le fait qu'on l'ait appelé jusqu'à sa mort le Survivant avait peut-être à voir avec la croyance commune qu'il était immortel; alternativement, il se pouvait que ce soit parce qu'il avait réussi à survivre à toute les recettes qu'Hagrid (décédé neuf ans plus tôt) avait généreusement concoctées à son intention.

Plus probablement parce qu'il avait combattu Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom "à mort" quatorze fois et avait toujours, toujours gagné. Vous-Savez-Qui reviendrait invariablement à toutes les quelques années d'une façon ou d'une autre (Gilderoy Lockhart avait un jour tenté de compter avec lui ses nombreuses renaissances afin d'écrire un nouveau livre, "En Quête de Résurrection", mais avait été, dieu merci, tué sur-le-champ) mais le survivant rattraperait chaque fois le Seigneur des Ténèbres et le brûlerait, lancerait une lance à travers sa tête, l'enverrait dans une dimension parallèle ou peu importe ce qu'il faudrait pour en être débarrassé pour un temps.

Quelle qu'en soit la cause, l'illusion qu'Harry Potter vivrait à jamais avait été anéantie par le fait qu'il était bien assez mort. Le coroner, à qui on avait demandé une seconde opinion peu avant les funérailles, avait réitéré son diagnostic.

"Nous devons maintenant nous séparer de ce jeune héros et le remettre entre les mains du Seigneur," dit l'oratrice. Il s'agissait de Pamela Weasley, qui avait surpris sa famille en se faisant soeur. Elle était la première Weasley à faire cela depuis le 16e siècle.

Il y eut un court et fort bruit. Peu après la chapelle fut secouée d'hurlements terrorisés.

Le bruit avait été celui de l'ouverture d'un portail, et de ce portail avait surgit Vous-Savez-Qui dans une robe en lambeaux et brandissant sa baguette. Presqu'aussitôt quelqu'un avait hurlé "Trouvez Harry Potter!" À ce moment, le fait qu'Harry Potter était indisposé de manière permanente avait été rappelé plutôt durement à tout le monde, donc les hurlements s'étaient ensuivis. Ils avaient vite conclu qu'ils devraient faire face à Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom à la manière de leurs grands-parents et arrière-grands-parents - en courrant, se cachant, s'évanouissant, ou s'assomant avec le premier objet venu.

En l'espace de 5 minutes, la chapelle était remplie d'hommes et de femmes inconscients tenant de coûteux chandeliers, alors que la foule à l'extérieur s'était dispersée pour aller se cacher chez eux. Nés de sorciers ou de moldus, ils avaient fui la scène avec la plus haute vitesse à laquelle leurs jambes, balais ou portoloins pourraient les transporter, puisque le but du Seigneur des Ténèbres semblait être de tuer le plus de personnes possible avant sa prochaine bataille majeure.

Et pourtant il demeurait un homme conscient dans la chapelle. Il s'appuyait nonchalamment contre le mur, un air désintéressé sur son visage allongé, et c'est vers lui que se tourna Vous-Savez-Qui.

"Il reste un chandelier là-bas, si tu es intéressé," il sourit en agitant sa baguette entre ses doigts. L'homme se tourna vers le Seigneur des Ténèbres et gloussa, lui valant le plus vicieux regard que le sorcier pouvait produire (et c'était très vicieux). "Qu'est-ce qu'il y a Rogue? Pourquoi ne te sauves-tu pas? Es-tu devenu cinglé?"

Rogue haussa les épaules. "Pas du tout. C'est simplement qu'il m'en faut un peu plus pour que je me frappe en pleine figure, maintenant. Quand on a survécu à neuf générations de Weasley, on découvre que nul qui n'a pas les cheveux roux ne peut induire une réelle terreur." Les cheveux du maître des potions étaient restés noir de jais après toutes ces années, et aussi graisseux. En fait, il était agaçant de voir à quel point il avait l'air jeune, comparé à la collection de rides grandissante du Seigneur des Ténèbres.

Ce dernier commença à parcourir la pièce, examinant avec curiosité les personnes étendues. Quant il eut terminé, et donc, fut revenu à son point de départ, il tapa du pied. "Merde. Ce portail devait m'amener directement à Potter. Foutus marchands interdimmensionnels. Je jure que j'arracherai le foie de cette... chose et que je le donnerai à manger à Nagini. Si ça a un foie, bien évidemment."

"Je doute fort que ce soit nécessaire, puisque le produit a accompli sa performance," dit sèchement Rogue. Il pointa exagérément le cercueil.

"Quoi?" demanda Voldemort, regardant confusément d'un côté et de l'autre. "Il est là? Oh," dit-il, remarquant finalement le cercueil. "Qui est mort?"

Rogue soupira profondément et longuement en secouant la tête. "Potter."

"Lequel?"

"Lequel? Lequel croyez-vous?" grogna Rogue en se frottant les tempes.

"Comment serais-je supposé le savoir? Il y a bien assez de Potter dans le monde, comment devrais-je savoir lequel est mort?" siffla Voldemort.

"Harry Potter. Le Survivant. L'Homme-Qui-Vous-A-Battu-Quatorze-Fois-D'Affilé."

"Mon Potter? Impossible."

Rogue leva les bras au ciel et se mis à marcher de long en large, trébuchant au passage sur un corps étendu face contre terre. "J'aurais cru que de toutes les personnes, vous comprendriez qu'Harry Potter n'est pas invincible! Il a cent sept ans! Il a vécu très, très longtemps! Pas aussi longtemps que vous ou moi, mais longtemps tout de même! Ce que j'essaie de vous dire est qu'il est mort de manière parfaitement naturelle et que sa mort n'a rien à voir avec vous!" hurla Rogue.

S'il n'avait pas été si surpris, Lord Voldemort aurait sûrement tué à l'instant quelqu'un qui aurait osé lui hurler après (particulièrement un ex-serviteur devenu espion tel que Rogue) mais il était surpris, et Rogue fut épargné. "Tu me dis qu'Harry Potter est mort?"

"OUI!"

Le Seigneur des Ténèbres cligna des yeux, assimilant l'information. Quant ce fut le cas, il s'en alla au cercueil, l'ouvrit et entreprit de secouer le corps d'Harry par les épaules. "Allez, debout petite peste! Comment ose-tu mourrir avant de me donner une autre chance?! Debout!"

Rogue produisit quelques bruits frustrés et bestiaux, puis passa la main dans ses cheveux. "Essayons une seconde fois, d'accord? Harry Potter est mort. Il ne se relèvera pas. Il n'y aura plus de batailles "finales" avec vous."

"Il ne peut pas faire ça!" répliqua Voldemort. "C'est... C'est contre les traditions!"

"Regardez-le! Est-ce qu'il a l'air assez en forme pour une autre session?"

Lord Voldemort étudia le corps soigneusement. Il semblait mort. Il fronça les sourcils et examina de son esprit, tâtant à la recherche de fragments de l'âme de Potter, mais ne reçut aucune réponse.

Il était bel et bien mort.

"Merde", jura Voldemort en replaçant le corps dans le cercueil. "Qu'est-ce que je vais faire maintenant?"

Rogue releva les sourcils. "Hum, voyons voir. Conquérir le monde sans être gêné par votre ennemi mortel?"

Voldemort agita la main. "Oui oui, bien sûr, mais ensuite? C'est juste que..." Il soupira. "Je crois que ce que je vais dire va te surprendre, Rogue," dit Voldemort en adressant au couvercle du cercueil un drôle de coup d'oeil.

"Plus rien ne me surprend."

"Je crois que le petit monstre va me manquer," dit le Seigneur des Ténèbres et replaçant le drap sur le cercueil.

Rogue haussa les épaules. "Pas vraiment aussi surprenant que de trouver une réplique tridimensionnelle exacte des fesses de Minerva collée à mon miroir un matin. C'était la cinquième génération des Weasley, je crois."

Voldemort se tourna vers lui et eut un sourire en coin. "Et comment savais-tu que c'était les fesses de Minerva?"

"Troisième génération. Une longue histoire."

Voldemort soupira encore une fois. "Je suppose que j'aurai tout le temps voulu pour écouter les longues histoires, maintenant. Peut-être que je vais prendre des vacances à Tahiti avant de reprendre l'entreprise de domination du monde. Ce n'est pas comme si je n'avais pas le temps... Alors? Tu ne vas pas au moins m'attaquer?"

Rogue leva les yeux au ciel. "Si je vous attaque, et que par quelque détour du destin, je gagne, tout le monde va revenir et je devrai donner mon fichu éloge funéraire."

"Toi? Donner un éloge funéraire pour Harry Potter? J'ai toujours cru que tu le méprisais."

"En effet, mais comme je suis la dernière personne vivante à me rappeler de ses jours d'école (à part vous), ils ont, euh, insisté."

"Insisté? Combien?"

"Cinq mille gallions pour un discours de cinq minutes. Mille gallions la minute est un excellent prix."

Voldemort fronça les sourcils. "Alors pourquoi ne veux-tu pas faire ton éloge?"

"Les idiots m'ont déjà payé, et ce n'est pas remboursable selon le contrat, à moins que je ne me retire. Et qui pourrait me blâmer de n'avoir pas fait mon discours étant donné les circonstances?"

"Ah," répondit Voldemort. Il soupira une dernière fois avant de se retourner et de sortir de la chapelle.

"Il va mourir d'ennui d'ici une semaine," se dit Rogue à lui-même. Il sortit une flasque de whisky de la poche de sa robe. "J'avais l'impression que j'aurais besoin de ceci." Il retira le bouchon, porta la flasque à sa bouche, et en pris une bonne longue lampée.


Déclaration: Cette histoire est basée sur des personnages et des situations qui sont la propriété de J.K. Rowling, de plusieurs éditeurs incluant, mais non exclusivement, Bloomsbury, Scholastic et Gallimard, et de Warner Bros Inc. Aucun profit n'est fait et aucune infraction aux droits d'auteurs ou aux marques déposées n'est voulue.
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